La façade de l'ancien hotel du Mont Joly à Saint-Gervais
©Cloé Seguin
Découvrez l'incroyable histoire de L'ancien hôtel du Mont Joly édifice incontournable à Saint-Gervais

L’ancien hôtel du Mont Joly

L’essor de Saint-Gervais comme lieu touristique et étape d’alpinisme est lié à la découverte en 1806 des eaux thermales des gorges du Bon Nant, au Fayet. Le premier établissement thermal est construit à l’initiative du notaire Joseph-Marie Gontard, qui développe l’activité en proposant un service d’hôtellerie intégré.

Situé à l’entrée du village de Saint-Gervais, l’ancien hôtel du Mont-Joly fait partie des bâtiments emblématiques de la destination. Né au milieu du XIXᵉ siècle, il accompagne l’essor du tourisme thermal et alpin qui transforme peu à peu le village en destination prisée.

Le développement touristique et hôtelier à Saint-Gervais

Au milieu du XIXe siècle, l’hôtel des Thermes ne suffit plus à accueillir l’ensemble des patients, auxquels s’ajoutent les premiers alpinistes anglais attirés par le Val Montjoie. Les établissements hôteliers se développent alors dans le village de Saint-Gervais, où trois hôtels coexistent en 1850, dont l’hôtel du Mont-Joli.

En 1868, la commune prend le nom de Saint-Gervais-les-Bains, avant d’être classée en station climatique en 1893. Lors de la catastrophe naturelle survenue dans la nuit du 11 au 12 juillet 1892, qui coûte la vie à près de 175 personnes et emporte une partie de l’établissement, l’hôtel du Mont-Joli sert d’hôpital temporaire. Toutefois, la dynamique thermale et touristique demeure, tandis que les thermes sont reconstruits dès 1894 plus en aval. Avec l’arrivée des touristes anglais, bon nombre d’hôtels prennent des noms anglicisés. L’hôtel du Mont Joli devient donc le Mont Joly, à l’instar du Splendid Hotel, ou encore du Royal Hotel. Enfin, la construction de l’arrêt du tramway du Mont-Blanc au Nid d’aigle entre 1907 et 1912 constitue le point d’orgue de l’essor économique de Saint-Gervais-les-Bains, avant les bouleversements du XXe siècle.

Milieu XIXe siècle : Le premier hôtel du Mont-Joli et « l’aile sarde »

La date exacte d’ouverture de l’hôtel Mont-Joli n’est pas connue. Sa première mention date de 1853, lorsqu’on peut lire dans un guide touristique que « l’hôtel du Mont-Joly est bâti à l’entrée du plateau ; c’est dans cette maison que Madame la duchesse d’Orléans, accompagnée de ses deux fils, avait fixé son domicile, pendant le séjour qu’elle fit l’an dernier dans ces contrées. Entres autres dépendances de l’hôtel on remarque un petit pavillon d’où l’on découvre le majestueux panorama qui se déroule dans le beau bassin de Sallanches ».

La même année, un guide anglais écrit que « l’hôtel du Mont Joly, dans le village de Saint-Gervais est un séjour fort agréable, et que, toutes les fois où j’en trouve l’occasion, je ne manque pas de recommander aux voyageurs. On y trouve des appartements commodes, une grande propreté, une chaire excellente, et dans la personne de madame Rosset l’hôtesse la plus gracieuse et la plus obligeante… ». En 1856, les célèbres alpinistes Charles Hudson et Edward Kennedy témoignent de leur départ du « charmant petit hôtel du Mont-Joli avec tous les vœux de M. Rousset [sic.] son propriétaire. »

Une aquarelle figure l’établissement tel qu’il s’organise alors, avec son aile sud (à droite) conservée aujourd’hui. Cette aile est appelée « l’aile sarde », ou encore le « Mont-Joly colonnes ». Sa datation véritable n’est pas établie. Philippe Rosset, le propriétaire, acquiert les terrains adjacents et est à l’initiative de la transformation de l’hôtel.

Fin du XIXe siècle : La construction de « l’aile faïence »

L’agrandissement de l’hôtel est réalisé entre 1880 et 1884. Philippe Rosset confie sa conception à l’architecte parisien Célestin Longerey, qui fait reconstruire l’aile centrale. L’édifice est d’une grande modernité et fait figure d’exception dans la construction locale, avec son ossature métallique préfabriquée et son décor de bois, de ferronnerie et de faïence.

Il témoigne d’une architecture d’envergure internationale et éclectique, qui rappelle les palaces côtiers, les établissements thermaux ou encore l’architecture ferroviaire. Il est doté d’un vaste jardin d’hiver au rez-de-chaussée, aujourd’hui disparu, qui constituait l’espace de réception. La plaque AM en façade est celle de l’Assurance Mutuelle immobilière et mobilière contre l’incendie de la Seine et de Seine-et-Oise étendue à toute la France.

La construction de « l’aile marquise » au début du XXe siècle

En 1910, madame Rosset fait donation du Mont-Joly à son petit-fils Georges Dorin, installé à Saint-Gervais depuis 1906. Il fait démolir l’annexe nord et entreprend sa reconstruction. Les travaux sont effectués sous la direction de l’architecte stéphanois Martin Augustyniak entre septembre 1910 et juillet 1911 par l’entrepreneur genevois L.M. Bouët et Cie. L’édifice est moins novateur que le précédent sur le plan constructif, mais il possède un riche décor de façade, empreint d’art nouveau. Une marquise monumentale couvre l’escalier d’honneur tandis que des blasons ornent les balcons.

L’établissement devient le Mont-Joly Palace, contient deux-cent chambres qui accueillent jusqu’à trois-cent personnes. Jusque dans les années 1935 le Mont-Joly conserve sa place d’hôtel réputé et luxueux, où s’arrêtent de nombreuses personnalités.

La transformation en copropriété et la protection au titre des monuments historiques

La situation de l’hôtellerie est beaucoup moins favorable après la seconde guerre mondiale. La gestion de l’hôtel décline, tandis qu’une partie de la clientèle de luxe migre vers Megève, où la baronne de Rothschild crée l’hôtel du Mont-Arbois dans les années trente. Ainsi, en 1947, l’hôtel est divisé en appartements et vendu en copropriété par Georges Dorin. Les travaux de transformations sont confiés à l’entrepreneur niçois Joseph Saglia. L’édifice perd sa verrière centrale et son hall de réception au rez-de-chaussée, tandis que les couvertures en ardoise sont progressivement remplacées par de la tôle.

Malgré ces altérations et son vieillissement général, le Mont-Joly demeure un édifice incontournable de Saint-Gervais, par son importance dans le paysage urbain et par son témoignage en tant qu’établissement hôtelier de montagne, à distinguer de ceux des bords de lac comme Aix-les-Bains ou Évian. Il conserve des qualités architecturales exceptionnelles. Ainsi, il est protégé au titre des Monuments Historiques par une inscription des façades et toitures le 18 novembre 1997.

2024-2025 La restauration des façades et toitures

L’édifice a fait l’objet de peu de transformations, à l’exception de la suppression de son jardin d’hiver et du remplacement de sa couverture. Les décors de façades tendaient toutefois à disparaître du fait de l’usure générale et des travaux passés : disparition des blasons, recouvrement des décors peints, perte de la polychromie, etc. Les défauts d’étanchéité avaient occasionné de nombreuses dégradations en toiture (pourriture des bois, chute des ornements, disparition de consoles et des caniveaux décorés, etc.), tandis que la richesse des décors avait été perdue par les interventions et repeints successifs. Le projet de restauration a donc porté sur les façades et toitures.

La restauration des façades a permis de raviver les décors enduits, peints et issus des polychromies de matériaux, tout en gommant les altérations anciennes. Les décors de ferronnerie des balcons et des appuis de fenêtre ont été intégralement restaurés, tandis que certains ensembles menuisés altérés ont été restitués selon leur dessin d’origine. Enfin, certains décors découverts par stratigraphie ont été restitués.

Redonner au Mont-Joly son visage d’origine

La restauration des toitures a permis le rétablissement des décors d’origine : restitution de la couverture en ardoises en remplacement de la tôle, traitement des détails de raccordements et d’étanchéité en zinc, remplacement de la zinguerie, restauration et restitution des décors de bois sculpté des rives et des clochetons, restauration et restitution des caniveaux de récupération des eaux de pluies, restauration des décors de charpente, des faux colombages et des lucarnes, remplacement des épis et girouettes, et restauration des souches de cheminées. L’intervention a également permis d’effectuer d’importants renforcements de charpente et de doter la toiture d’une double étanchéité ventilée.

Ces travaux ont été commandés par la copropriété, avec le soutien financier du Ministère de la Culture, du Département de la Haute-Savoie et de la commune de Saint-Gervais-les-Bains. Ils ont été réalisés sous la direction de Jérémy Dupanloup, architecte du patrimoine, cabinet Ceres architecture paysage patrimoine, de Pierrick Boudet, conducteur de travaux, cabinet RKHK, et d’AIS, syndic de copropriété. Une quarantaine de compagnons ont été mobilisés pour ce chantier : échafaudeurs (Contat échafaudage, Poisy), charpentiers-couvreurs-zingueurs (Pégorier charpente, Samoëns, et Costa couverture, Marignier), maçons (Comte, Chamdieu, et Mollard-Deltour, La Biole), peintre et décorateurs en bâtiment (Jacquet, Estrablin), menuisiers (MVA, Saint-Geoire-en-Valdaine) et serruriers/ferronniers (serrurerie Adam, Domancy). La haute technicité du chantier a permis le maintien, la valorisation et la transmission de leurs savoir-faire.

Zoom sur Jérémy Dupanloup  architecte du patrimoine

Jérémy Dupanloup, architecte du patrimoine, travaille pour l’agence CERES architecture paysage patrimoine, créée en 2017, qui exerce principalement dans les départements alpins et de la vallée du Rhône.

À cheval entre les disciplines du paysage, de l’aménagement, de l’histoire et de l’archéologie, CERES architecture paysage patrimoine apporte son expertise dans les domaines de l’architecture et du patrimoine.