Jean-Marc Peillex, dans son bureau de la mairie de Saint-Gervais
©Pascal Tournaire

Interview exclusive de Jean-Marc Peillex Maire de Saint-Gervais-les-Bains (Haute-Savoie)

Retour sur « l’affaire » et la relaxe judiciaire La violence contre les maires s’exprime aussi de façon sournoise

Des années d’enquête, une mise en cause publique, des attaques personnelles allant jusqu’au lancement de rumeurs ignominieuses pour simplement détruire l’homme, une mise à mort orchestrée, un climat de soupçon… et une relaxe totale. Jean-Marc Peillex, maire de Saint-Gervais-les-Bains, revient dans cette interview sur “l’affaire du Plateau de la Croix” qui a secoué sa commune et entaché son image d’élu, malgré la reconnaissance de son innocence par la justice.

Au-delà des faits, il livre ici un témoignage sans filtre sur les violences politiques, médiatiques et psychologiques qu’il a subies.

Il dénonce l’instrumentalisation de la justice, l’isolement des élus dans la tourmente, le poids du soupçon permanent… et appelle à sortir de la loi du silence.

Entre colère froide et détermination intacte, Jean-Marc Peillex se confie, avec franchise et gravité, sur ce qu’il qualifie de “machine à broyer”.

QUESTION

Monsieur Peillex, maintenant que le verdict est tombé, pouvez-vous nous rappeler, avec vos mots ce qu’on vous reprochait dans cette affaire ?

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’on a cherché à brouiller les pistes dès le départ. Certains, y compris des journalistes en mal de reconnaissance, ont baptisé cela “l’affaire des chalets de luxe du Plateau de la Croix”. C’est un raccourci trompeur.

Le Plateau de la Croix est une zone constructible depuis des décennies, et cela n’a jamais été remis en cause. À l’origine, une famille de résidents secondaires depuis longtemps implantée au Plateau de la Croix – la famille Brondel – a vendu ses terrains à un promoteur de Sallanches, Monsieur Pascal Mossaz au travers de sa société la SARL Miage. Ce dernier a obtenu un permis de construire pour trois chalets et la rénovation d’un quatrième.

À cette époque, en 2016 et ce depuis 2001, je n’assistais pas aux commissions d’urbanisme qui examinaient les demandes d’autorisations de construire, car j’étais encore en activité professionnelle et exerçais le métier d’agent immobilier dans la commune voisine des Contamines Montjoie jusqu’à fin 2020. L’instruction des permis a été faite, comme dans toutes les communes, par un fonctionnaire assermenté par le tribunal, Joël Jiguet, et c’est mon adjointe à l’urbanisme, Madame Marie-Christine Dayve, qui a signé l’arrêté de permis de construire.

Par la suite, Monsieur Mossaz a vendu les chalets à la famille Gombault selon la procédure dite de vente en l’état futur d’achèvement en précisant que la commune n’ayant pas institué le droit de préemption, elle n’a jamais été informée de cette transaction, même si elle était de notoriété publique.

Il est important de rappeler que Vincent Gombault, résident secondaire à Saint-Nicolas et fidèle à ce village depuis plusieurs décennies, face à la fin des activités essentielles de ce village : cessation d’activité des seuls hôtels « le coin du feu », et « le Mont-Joly », transformation de la seule pension de famille « Montjoie » en appartements de résidences secondaires, a souhaité investir en construisant un nouvel hôtel-restaurant « l’Armancette ».

Tout cela s’est donc déroulé en respectant strictement les règles, en particulier s’agissant des permis de construire qui n’ont alors pas fait l’objet de recours ou de demande de retrait par le Préfet. L’affaire est donc ancienne : les faits datent de 2016, et c’est seulement en 2022 qu’un groupe d’habitants du plateau de la Croix, avec qui la commune avait eu plusieurs contentieux pour des constructions illégales ou des travaux non autorisés, a décidé de se structurer en association pour contester l’usage de ces chalets.

« On m’a accusé, avec une violence inouïe, d’être “à la solde” de Monsieur Gombault et d’avoir touché ! »

Pour devenir plus forts, ils se sont alliés avec France Nature Environnement (FNE) au travers de Madame Prelot-Mathey, mais aussi avec l’aventurier Charles HEDRICH, proche de l’opposition municipale pour en avoir été un des animateurs de leur campagne électorale, qui ont saisi le Procureur de la République en prétendant que ces chalets avaient été transformés et qu’il s’agissait en fait d’hôtels déguisés en chalets. Comme les hôtels ne sont pas autorisés dans ce secteur, ils en déduisaient que les permis de construire étaient irréguliers, et bien évidemment que le maire était complice.

Madame la Procureur de Bonneville a donné suite à ce dossier, mais habitante de Saint-Gervais, elle s’est dessaisie du dossier qui a été transféré au parquet d’Annecy. Une instruction a alors été ouverte.

Voilà comment cette affaire a commencé. Une affaire qui, rappelons-le, porte sur des constructions parfaitement autorisées qui n’ont rien de plus luxueux que bon nombre de chalets locaux : sauna, salle de sport, jacuzzi… comme dans beaucoup de résidences secondaires, à Saint-Gervais, à Megève ou à Chamonix et qui bénéficient de prestations de services : cuisine à domicile, massage, moniteurs de skis, bref ce qu’on trouve désormais couramment auprès des conciergeries au pays du mont-blanc. »

QUESTION

On a bien compris l’affaire sur le fond, mais qu’est-ce que VOUS, Jean-Marc Peillex, on vous reproche spécifiquement dans cette affaire ?

« En réalité, ce qui m’est reproché dépasse largement l’affaire des chalets du Plateau de la Croix. Tout s’est donc enchevêtré avec un autre projet emblématique : la création de l’hôtel L’Armancette.

Le point commun, c’est donc Monsieur Gombault. Il a rencontré Gilles Grandjacques, un architecte habitant de Saint-Nicolas, également adjoint au maire. Ensemble, ils ont monté le projet de l’hôtel L’Armancette. J’ai bien sûr été consulté, et j’ai dit oui sans hésiter à un investisseur hôtelier compte-tenu du contexte, car un village sans hôtel, c’est un village qui meurt.

C’est là que les histoires ont commencé à s’inventer avec les rumeurs, les soupçons, la désinformation qui va avec : parce que Gilles Grandjacques, en plus d’être architecte, faisait partie de l’équipe municipale. Mais c’est un professionnel reconnu, et tout s’est fait dans les règles.

« Ce qu’on me reproche, c’est d’avoir accepté le mécénat d’un homme riche qui aime son village d’adoption »

Ce que les coalisés du #peillexbashing veulent faire croire, c’est qu’il existerait un lien entre les projets des consorts Gombault et le mécénat qu’ils ont apporté à la commune pour la restauration des chapelles, à savoir 100.000 € par chapelle resaturée. Il faut savoir que depuis 2012, nous avons un programme de restauration des chapelles de Saint-Gervais — 13 chapelles, plus le temple protestant et la chapelle des Thermes. Un travail colossal, défini dans une étude commandée à l’architecte en chef des Monuments historiques Grange-Chavanis missionné par le CAUE (conseil en architecture, urbanisme et environnement).

Quand Monsieur Gombault découvre ce projet, il propose à la commune un mécénat de 100.000 euros pour la première chapelle restaurée, celle du hameau des Plans. Cette proposition est approuvée par le Conseil municipal au travers d’une convention de fonds de concours. Puis, lorsqu’on restaure la deuxième chapelle, celle des Chattrix, les consorts Gombault apportent le même soutien et lors de l’inauguration par le préfet de l’époque, Pierre Lambert, Vincent Gombault annonce publiquement : “Je donnerai 100 000 euros par chapelle restaurée tant que la commune le fera.” Et il l’a fait. Ce soutien est venu en complément des subventions régionales, départementales, et d’autres mécènes, comme la Fondation du patrimoine.

Au total, ce sont environ 1,5 million d’euros que ce mécène a accordés à la commune de Saint-Gervais et non au maire que je suis bien évidemment ….  Même si c’est impensable, les mauvaises langues ont fait croire que ce mécénat avait une « contrepartie » celle de la délivrance des autorisations d’urbanisme. C’est absurde mais ces rumeurs ont trouvé des oreilles attentives.

Bien évidemment, toutes les demandes d’autorisation de construire sollicitées par Monsieur Gombault ou ses sociétés ont été instruites sans complaisance par le fonctionnaire assermenté de la commune et sont parfaitement régulières, conformes au PLU. Elles n’ont fait l’objet d’aucun recours de tiers ni d’aucune demande de retrait de la part du service du contrôle de légalité du Préfet.

« En France, on n’accepte plus qu’un maire aille chercher de l’argent privé pour compenser le désengagement de l’État, c’est suspect. »

Mais voilà, en France, le geste gratuit est devenu suspect. On n’admet plus qu’une personne fortunée donne sans exiger de retour. C’est forcément suspect, même lorsque la juridiction qui surveille les élus et leur gestion, la chambre régionale des comptes salue cette bonne gestion comme cela a été le cas dans son rapport de 2019 sur les comptes de la commune de Saint-Gervais…. Comprenant le mécénat Gombault !

Alors que penser des grands donateurs de Notre-Dame de Paris ? Ils ont tous, eux aussi, des relations d’affaires avec l’État, les régions, les départements, des communes ! Est-ce qu’on va leur demander des comptes, à eux aussi ? Va-t-on mettre en doute la sincérité de leurs dons alors qu’ils passent régulièrement des marchés avec ces collectivités ? Où s’arrête la générosité et où commence la suspicion ? C’est là que réside le fond de l’accusation : dans une culture du soupçon permanent, où l’on préfère croire à la manipulation plutôt qu’à l’engagement désintéressé. »

QUESTION

Revenons un peu plus tard sur la notion de suspicion dans cette affaire, aujourd’hui, vous êtes relaxé, que dit la justice ?

« La justice a été très claire. Trois magistrats ont estimé que les éléments constitutifs d’un délit de prise illégale d’intérêt n’étaient pas réunis. J’ai donc été relaxé, c’est-à-dire que j’ai été reconnu INNOCENT. La décision est très motivée. Mais, malheureusement, dans ce genre d’affaire, certains dans l’opinion publique ne retiennent pas le jugement et en restent aux soupçons largement étalés avant le jugement par quelques journalistes en mal de reconnaissance.

Le dernier jour du délai d’appel, le Procureur de la République n’a pas accepté cette décision et a décidé d’en faire appel.

« La justice m’a blanchi, mais le soupçon continue d’être entretenu »

Dès qu’un élu est mis en cause, certains médias se jettent sur l’occasion. Le Canard Enchaîné, saisi alors par FNE et Charles HEDRICH, m’a consacré au début de cette affaire un article plein de sous-entendus reprenant tous les arguments de ces détracteurs. Jamais ils n’ont accepté de publier mon droit de réponse.

Le Dauphiné Libéré a constamment fait ses gros titres de façon à suggérer une affaire trouble. Celui qui n’a lu qu’un titre ou un article isolé, peut penser que le maire de Saint-Gervais est suspect, voire un de ces élus pourris que les français exècrent. Même blanchi par la justice, l’image reste ternie.

Et ce sentiment de doute a été renforcé par une décision lourde de symboles : la Procureure de la République a choisi de faire appel… le dernier jour du délai uniquement de mon jugement, suivie par Madame Prelot-Mathey de FNE et Charles HEDRICH dont les constitutions de partie civile avaient été déclarées irrecevables. Cela ne change rien juridiquement, la relaxe reste, j’ai été reconnu innocent, mais cela laisse entendre qu’on ne veut pas refermer ce dossier.

Pourquoi ce choix de dernière minute, si le jugement était si contestable ? Pourquoi cette volonté de prolonger un climat de suspicion ? Pourquoi la Procureure n’a pas fait appel du même jugement rendu pour Gilles Grandjacques, poursuivi pour les mêmes chefs d’accusation et lui aussi relaxé ?

Cet épisode de ma vie aurait pu n’être qu’un mauvais rêve ou un cauchemar, non ! L’acharnement continue, l’opération de destruction humaine aussi, en toute impunité pour les accusateurs. »

QUESTION

Qu’est-ce que vous avez ressenti une fois que le verdict de la relaxe est tombé ?

Un grand soulagement bien sûr même si à aucun moment, je n’ai douté de ma relaxe. Pourquoi ? Parce que je n’ai rien à me reprocher, absolument rien. Alors, bien sûr, la présomption d’innocence existe avant le jugement, mais le regard des autres c’est parfois dur à accepter jusqu’au jugement.

« Je n’ai jamais douté que je serai relaxé »

Le dossier était vide. Pourtant, on a tout épluché : ma vie personnelle, professionnelle, mes courriels, mes communications téléphoniques. J’ai subi une perquisition très violente, au cours de laquelle les gendarmes ont tout « aspiré » : ordinateur, téléphone, même s’ils n’appartiennent pas à la commune car je suis un des rares élus à avoir refusé, véhicule de fonction, téléphone de fonction ….

Les enquêteurs ont tout fouillé, tout analysé : 6 885 e‑mails passés au crible, des écoutes téléphoniques remontant à 2016. Malgré cela, ils n’ont rien trouvé. Rien. Et pourtant, l’enquête a continué, les soupçons ont persisté, les procédures se sont enchaînées. Alors oui, le jour de la relaxe, c’est un énorme soulagement. Parce que pendant tout ce temps, j’ai clamé mon innocence. Je l’ai démontrée. Et là, c’est la justice qui l’affirme dans un jugement motivé.

Cette affaire, c’est une machine à broyer, à détruire. On n’en sort pas indemne — on en sort profondément meurtri, abîmé au plus profond de ma chair. Aujourd’hui, j’ai été reconnu innocent par la justice. Mais tous ceux qui ont semé le doute, attisé la haine, poussé à l’accusation… eux, ils s’en sortent sans conséquences. Ils ne seront jamais inquiétés, jamais condamnés. Ils ne paieront ni les frais d’avocat, ni le préjudice indélébile que j’ai subi et ils continuent en toute impunité à tenter de me salir.

« Le mal est fait. Oui, c’est profond et oui, c’est indélébile »

En France, dans ce genre de situation, beaucoup d’élus auraient lâché. Certains l’ont fait. D’autres se sont tus, d’autres encore se sont effondrés. On a connu des drames, y compris des suicides chez des parlementaires ou des maires. Moi, j’ai tenu. Je ne me suis ni caché, ni soumis. Mais je suis lucide : je fais partie des rares à avoir le cuir assez solide pour résister à ce genre de déferlante organisée.

Et quand je reçois des messages de soutien, ils disent tous la même chose : “Comment tu fais pour tenir ?” Parce que ce n’est pas un orage passager. Ce harcèlement dure depuis des années. Les insultes de Charles Hedrich, les attaques de France Nature Environnement, les pressions permanentes… c’est devenu mon quotidien. Et même si je ne le montre pas, je sais très bien que certains font tout pour me détruire, politiquement, publiquement, voire plus.

C’est ainsi que Charles HEDRICH est allé jusqu’à déclarer avoir décidé la MISE À MORT de PEILLEX, qu’il était à la manœuvre et qu’il était prêt à dépenser jusqu’à 300 000 euros pour y arriver. C’est dire la violence de ce que j’ai vécu et que je continue à vivre sans que la justice et les services de l’Etat qui en sont informés depuis des mois ne réagissent, ne me protègent. Dois-je en déduire qu’eux aussi veulent me voir tomber ? »

QUESTION

On comprend bien à quel point cette procédure a été violente, presque une machine à broyer. Vous avez aussi évoqué un climat délétère autour de l’affaire, avec des alliances étranges, une forme de délation organisée. Qu’est-ce qui, selon vous, s’est réellement joué dans cette convergence des attaques ?

En fait, je suis un homme politique apprécié de la population donc très populaire mais cela ne plait pas à quelques élus qui veulent tirer les ficelles et imposer leur diktat.

Je sais que ces quelques-uns, en plus des critiques toujours faites par-derrière, me détestent. Pourquoi ? Parce que j’agis concrètement, je parle franchement, je tiens bon, et je ne respecte pas toujours les codes politiques traditionnels de certains.

« Le politiquement correct ? Ça n’est pas pour moi et je le revendique. »

Ensuite, quand on se trouve dans une situation difficile, comme dans un désert, celui qui paraît faible devient la proie de tous ceux qui veulent l’éliminer. C’est ce qui se passe ici sauf qu’ils me croyaient faible et que je ne le suis pas. On assiste à des alliances surprenantes, comme celle avec Charles Hedrich, qui nourrit une haine personnelle à mon endroit depuis presque vingt ans née de la décision du Conseil municipal lui a refusé une nouvelle subvention pour faire ses aventures après lui avoir donné 30.000 €. A l’époque il me traitait déjà de « fils de pute », au moment même où ma mère décédait. C’est dire !

Mais aussi l’alliance de tous ceux qui voient en Peillex un obstacle. Certaines figures politiques nationales, députées et sénateur, se prennent pour des juges et prennent parti pour éliminer ceux qu’ils jugent gênants, qui ne leur obéissent pas, peut-être par peur qu’ils ne prennent un jour leur place (rires).

C’est vraiment un jeu d’instrumentalisation politique, avec des “snipers” prêts à tirer les premiers pour éliminer leurs adversaires.

QUESTION

Comment est-ce qu’un maire aujourd’hui peut continuer d’exercer sereinement, sans craindre, justement, ces instrumentalisations ? Est-ce que c’est encore possible aujourd’hui ?

Oui, c’est encore possible, parce que mon mandat, ce sont les électeurs qui me l’ont confié. Je suis un élu du peuple et un représentant de la République, je n’ai de comptes à rendre qu’à eux. On ne peut pas retirer un mandat aussi facilement. Certains élus auraient peut-être abandonné face aux difficultés, mais moi, je ne baisse jamais les bras, je suis taureau.

« Je me dois de continuer, encore et encore »

Un mandat, c’est un engagement, un contrat que l’on passe avec celles et ceux qui ont voté pour vous, mais aussi, par extension, avec toute la population. Même si la situation est compliquée, et qu’il faut parfois faire preuve de vigilance extrême pour savoir d’où viennent les attaques, je me dois de continuer, encore et encore. Simplement pour montrer que nous ne vivons pas sous la pression d’un pouvoir arbitraire, totalitaire, que nous ne sommes ni en Corée du Nord, ni en Russie.

C’est le peuple qui décide, et ce ne sont pas quelques individus, se croyant investis d’un pouvoir divin, ou d’autres qui ont perdu les élections qui doivent décider de l’avenir des territoires et des femmes et des hommes qui y vivent.


QUESTION

Quel regard portez-vous sur le traitement médiatique de votre affaire ? Plus largement, considérez-vous qu’il y a une réaction trop sensible ou trop rapide de la part de la justice ?

Aujourd’hui, malheureusement, une partie de la presse agit comme les réseaux sociaux pour ne pas perdre des clients ! Elle ne se contente plus de relater des faits après les avoir vérifiés, elle choisit de mettre en avant ce qui blesse, ce qui salit, ce qui sème le doute. On le constate dans de nombreuses affaires. Lorsqu’un journaliste traite d’un sujet ou d’une personne mise en cause, la présomption d’innocence devient une simple formule, le présumé devient vite sournoisement présumé coupable.

Le politique accusé, c’est comme s’il avait déjà été condamné. Le sportif mis en cause, on le croit déjà coupable.

La présomption d’innocence n’existe plus vraiment dans le traitement médiatique. Elle est évoquée pour la forme, sans jamais vraiment peser sur le fond et en bafouant la plupart du temps le droit de réponse des mis en cause.

« Je n’ai rien à reprocher à la justice, elle a fait son travail »

Du côté de la justice elle-même, non, je n’ai rien à reprocher. Elle fait son travail. Mais il faut savoir que la procédure me concernant, dans laquelle j’ai été totalement blanchi, reconnu innocent, a duré trois ans : elle a commencé en 2022 et s’est conclue en 2025.

Le problème, c’est que l’enquête n’a pas été conduite de manière équilibrée. Au lieu d’instruire à charge et à décharge, comme le prévoit la loi, elle a surtout été menée à charge. Il fallait trouver quelque chose, n’importe quoi. Tout devenait suspect, par principe. Les personnes interrogées dans cette affaire ont été soigneusement sélectionnées uniquement des gens qui un jour ont été en désaccord avec le maire. Les élus de ma majorité, celles et ceux qui ont voté n’ont pas été entendus ou pour quelques-uns entendus à ma demande insistante.

« C’est facile de bâtir un dossier quand les enquêteurs n’interrogent que ceux qui sont réputés vos opposants »

Parce que, pour certains, il suffit d’un soupçon. Parce que certains dérangent, j’en fais partie, je l’ai bien compris, je devrais peut-être en être honoré, mais à tout prendre, j’aurais préféré d’autres formes de reconnaissance !

QUESTION

On sent bien qu’aujourd’hui, la fonction de maire est de plus en plus sous pression. Et si on élargit la réflexion à une dimension plus citoyenne : est-ce que, selon vous, il existe aujourd’hui un malaise chez les maires, ou plus largement chez les élus locaux ?

Oui, bien sûr qu’il y a aujourd’hui un malaise, et une véritable méfiance vis-à-vis des élus en général. Pourquoi ? Parce que les médias ont tendance à ne relayer que les fautes ou les dérives de quelques-uns et qu’on fait croire que c’est une généralité.

Bien évidemment, comme dans toutes les professions, dans toute structure sociale, il y a des profiteurs, des irrespectueux, des magouilleurs, des corrompus, des pourris mais cela ne signifie que toutes et tous nous devons être mis dans le même panier et être jetés avec l’eau du bain !

« On finit par donner l’impression que tous les élus sont corrompus ou incompétents »

Stop au « tous pourris ». Eh bien non, ce n’est pas vrai. Nous ne sommes pas tous les mêmes. L’immense majorité des élus fait les choses avec sérieux, avec rigueur, avec leur cœur, dans le respect des règles et avec comme seul objectif l’intérêt et le bien public.

Les élus sont entourés de fonctionnaires, de professionnels qui nous accompagnent dans notre travail, dans les prises de décision et parfois même, certains les écoutent un peu trop.

Et il est vrai que les élus n’ont pas toujours la connaissance et la formation nécessaires pour tout vérifier, tout maîtriser. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils sont malhonnêtes ou qu’ils sont pourris.

Ce climat général de suspicion de notre société finit par transparaitre sur tout le monde politique, même les maires. Un peu moins, peut-être, car le maire reste, pour beaucoup de citoyens, la figure de proximité. Celui qui s’occupe des trottoirs, de l’éclairage public, des écoles, des problèmes du quotidien… même des crottes de chiens. C’est aussi celui qui console, qui écoute, sur qui on sait pouvoir compter.

« Personnellement, je considère que mon rôle se rapproche plus de celui d’un chef de village que d’un simple maire »

Être maire, c’est pour moi être chef de village. C’est une fonction de proximité, de responsabilité. Mais aujourd’hui, le problème, c’est que les élections approchent, et qu’à force de jeter le discrédit sur les élus, comme le fait une certaine presse, on finit par épuiser ceux qui s’engagent sincèrement.

Beaucoup ont déjà démissionné. Beaucoup d’autres ne se représenteront pas. Et dans certaines communes, il n’y aura tout simplement pas de candidats. Ou pire : il y aura des candidats dangereux. Des extrémistes, ou des personnes attirées uniquement par le pouvoir. Parce que la nature a horreur du vide, et ce vide, certains sauront en profiter. Ils seront élus, non pas pour ce qu’ils proposent, mais par défaut.

Et pendant ce temps, ceux qui ont de l’expérience, ceux qui ont démontré leur engagement, leur désintérêt personnel, sont découragés. Moi, je suis élu depuis 1983. Maire depuis 2001. Conseiller départemental depuis 2004 mais pas encore découragé !

Si j’avais été malhonnête dans ma vie publique, si j’avais été « un pourri » comme certains veulent le faire croire, pensez-vous vraiment que je serais encore là aujourd’hui ? On n’est pas à Paris, on est à Saint-Gervais, ici, tout se sait. Si j’avais failli, ça se saurait depuis longtemps.

Mais voilà, à force de s’attaquer à ceux qui ont des racines, qui ont agi concrètement pour leur territoire, on prend le risque de faire le vide. Et ce qui va rester ? Des blessures, une perte de confiance durable, et l’idée que “tous les élus sont pourris”. Et ça, c’est un poison pour la démocratie. Car pendant que les démocrates se retirent, ceux qui ne le sont pas gagnent du terrain. Et si on n’y prend pas garde…

QUESTION

Justement, dans ce climat, il y a presque un vrai enjeu de santé mentale pour les élus. Est-ce que vous accepteriez d’en parler ? Vous, personnellement, est-ce que cette affaire vous a affecté ?

Oui, bien sûr que ça affecte la santé mentale. Comment pourrait-il en être autrement ? Quand vous recevez 800 menaces, y compris des menaces de mort comme en 2020 à l’occasion de la visite à Saint-Gervais du président de la République, quand vous êtes visé par des procédures, quand vous avez l’impression que peut-être le regard des autres se transforme…

Quand au sortir de la mairie vous voyez la manchette du Dauphiné Libéré : “Peillex risque l’inéligibilité”, comment rester indifférent ? Comment ne pas être touché ?

Alors oui, on tient, on garde la posture, on joue parfois un rôle. Mais au fond on n’est pas bien. On n’est pas en bonne santé mentale. On fait face, on reste lucide autant qu’on peut, mais à l’intérieur, on est vraiment atteint. Ça se traduit par des troubles du sommeil, un vieillissement visible, un stress constant. Moi, mes cheveux ont blanchi encore plus rapidement. Et surtout, vous avez des moments de doute profond, très profond.

« Il y a des jours où, franchement, on a envie d’en finir »

Ce qui m’a tenu, c’est mon fils, sans lui peut-être que j’aurais lâché. Parce qu’à mon âge, attaquer ma vie publique, c’est attaquer ma vie tout court. Alors oui, ça touche profondément, dans la chair, dans la tête. Et pourtant…

Quand on parle de burn-out, de mal-être, voire de suicide chez les élus, est-ce que les institutions prennent cela au sérieux ? Non. Rien. Aucun accompagnement, aucun soutien. Parce que dans ces situations-là, les institutions vous regardent non pas comme une personne, mais comme un coupable. Avant même toute vérité.

Pour vraiment protéger la santé mentale des élus, il faut commencer par rétablir pleinement la présomption d’innocence. Pas juste en quelques mots à la fin de l’article ou du reportage, mais dans les faits.

Il faut arrêter d’instruire systématiquement à charge, de nous considérer par défaut comme des voyous. Et je vais le dire clairement : j’aimerais que ceux qui passent leur temps à salir les élus, à pointer du doigt, à colporter des soupçons… consacrent ne serait-ce que la même énergie à lutter contre les vrais criminels, ceux qui pourrissent depuis longtemps notre société et notre ordre social.

« Qu’on mette autant de moyens pour démanteler les trafics de drogue, pour reprendre le contrôle des zones de non-droit qu’à suspecter par principe les élus et la France ira mieux ! »

Comment accepter aujourd’hui que ministres, administration, représentants de la justice, de la gendarmerie, de la police avouent qu’il y a des zones de non-droit, des lieux de trafic de drogue et que c’est ainsi ?

Parce qu’aujourd’hui, les élus de la République sont parfois traités avec plus de méfiance et de sévérité que ceux qui tiennent ces territoires où l’État n’existe plus, ça, c’est inacceptable !

QUESTION

Nous arrivons à la fin de notre échange, vous avez dressé un constat assez sombre de l’ambiance autour de la fonction de maire… malgré tout ça, est-ce que votre volonté de continuer en politique est toujours intacte ?

Oui, ma volonté de continuer est intacte, certainement même encore plus qu’avant. Parce que si j’abandonnais aujourd’hui, ce serait comme leur donner raison. Ce serait accepter de me salir moi-même, après qu’on ait essayé de me traîner dans la boue. Et ça, jamais.

Alors oui, je continue. Mais il faut aussi retrouver du courage, collectivement. Aujourd’hui, beaucoup d’élus n’osent plus parler. Il y a une vraie omerta. Certains ont peur, d’autres subissent des pressions. Mais dans les faits, peu osent se lever quand l’un d’entre nous est attaqué.

 « Il faut sortir de cette loi du silence. Il faut oser la solidarité et retrouver du courage ! »

Pour ma part, je regarde autour de moi et je fais le constat : en dehors de mes équipes municipales, de mes proches, de l’écrasante majorité des Saint-Gervolaines et Saint-Gervolains qui m’ont soutenu de manière incroyable, rares sont les élus qui m’ont soutenu. Le Président et quelques élus du Conseil départemental auquel j’appartiens, le député de la circonscription, quelques maires ou élus locaux. Je m’en souviendrai bien sûr.

Ce que j’ai traversé, je ne le souhaite à personne.

Je n’oublierai jamais et je ne pardonnerai jamais.

Propos recueillis par le service communication

de la Mairie de Saint-Gervais les Bains

5 août 2025